Nous souhaitons partager l’article de la Gazette des Communes suite à notre intervention au Maroc.
Cet article met en lumière certains points importants, notamment l’ingérence dans l’humanitaire, mais également le travail réalisé par les équipes du GSCF en collaboration avec les équipes associatives et gouvernementales du Maroc.
Lien de l’article : ICI
Séisme au Maroc : le récit de la mission humanitaire menée par des sapeurs pompiers
Il y a vingt jours survenait au Maroc l’un des pires séismes de l’histoire du pays, avec près de 3 000 morts et de nombreux dégâts. Thierry Velu, président-fondateur du Groupe de secours catastrophe français (GSCF), essentiellement constitué de sapeurs-pompiers, professionnels et volontaires, revient sur son expérience.
Dans quel contexte s’est décidée votre intervention au Maroc ?
Dans ce genre de catastrophes de grande ampleur, il y a deux scénarios possibles : soit une aide opérationnelle est demandée immédiatement par le pays, ce qui nous permet d’intervenir rapidement, soit la demande n’est pas formulée immédiatement. C’est alors à nous de prendre contact avec les autorités du pays, à travers notamment des référents sécurité dans les ambassades.
Les autorités marocaines ont voulu prendre le temps de l’analyse pour éviter l’embouteillage humanitaire, mais cela ne nous a pas empêchés de travailler avec une association marocaine sur place. C’est elle qui s’est rapprochée de la douane et de la gendarmerie pour nous permettre d’intervenir. Il n’existe pas de droit d’ingérence, c’est un préalable à intégrer dans l’humanitaire.
D’un point de vue logistique, que représente une telle opération ?
Nous avons décidé d’envoyer deux équipes légères. Une première brigade de cinq sapeurs-pompiers a débarqué quelques heures après le séisme, à bord d’un vol commercial pour éviter tout refus de dernière minute des autorités. Plus de 400 kg de matériel ont été embarqués : groupes électrogènes, matériel de soin, tronçonneuses, outils de traitement de l’eau, service de géolocalisation…
La deuxième équipe de quatre sapeurs-pompiers, la mienne, est arrivée le 13 septembre avec 350 kg de matériel. Nous avons complété les manques recensés par la première équipe : sacs de couchage, tentes ou encore matériel de soin. Bien sûr, le fait de transporter autant de matériel nous a obligé à passer plus de trois heures à la douane pour des opérations de contrôle mais cela s’est bien passé.
Sur place, quelle situation avez-vous trouvé ?
Nous sommes arrivés à l’aéroport d’Agadir. Il a ensuite fallu parcourir 50 km de route à bord de véhicules affrétés par l’association marocaine. Pour rejoindre les hauteurs de Taroudant, Adebdi et Tiznit, nous avons enfin dû marcher plus de quatre heures. Ce chemin, nous l’avons parcouru deux fois par jour et parfois sous 40°C, avec des mules pour nous aider à transporter le matériel.
Sur place, à plus de 1 200 mètre d’altitude, nous avons couvert des zones totalement isolées, loin des centres urbains. Nous sommes intervenus dans deux villages où les maisons avaient été rasées par le séisme. Bien que livrés à eux-mêmes après avoir tout perdu, les locaux nous ont touchés par leur gentillesse, leur accueil et leur sourire. Leur capacité de résistance est énorme.
Comment s’est décidée l’affectation aux missions de secours ?
Dans ce genre de situations, nous privilégions les zones difficiles d’accès que la plupart des secours locaux et internationaux ne couvrent pas. Durant notre mission, nous en avons d’ailleurs croisé très peu, en dehors des militaires qui apportaient des tentes et des vivres. Les relations ont été très fluides avec eux, ils savaient pourquoi nous étions là et se sont montrés chaleureux.
Notre seul impératif était de nous enregistrer auprès de la gendarmerie à notre arrivée et à notre départ. La plupart du temps, nous étions en fait totalement autonomes. Notre objectif était surtout de ne pas gêner les autorités locales. Nous avons vécu très simplement, en plantant notre tente où nous le pouvions à proximité de la zone d’intervention et en s’alimentant en eau à Agadir.
Comment a été définie la date de votre retour en France ?
Généralement, nous limitons nos interventions à huit jours car elles sont très exigeants physiquement. Nous étions sur place pour aider les victimes et préparer la suite avec les locaux. Alors, quand des projets ont commencé à se monter, nous avons compris que nous n’allions pas nous éterniser. Nous allons rester à l’écoute des besoins, et soutenir financièrement une école détruite.
Tout dépendra aussi des moyens financiers dont nous allons disposer. Notre budget est alimenté par des dons et des subventions. Les moyens alloués par les 500 collectivités partenaires représentent environ 15 % de l’enveloppe. Il y a des subventions annuelles, mais aussi des subventions supplémentaires apportées au cas par cas par certaines communes.
Quel bilan dressez-vous de cette expérience ?
Avec les obstacles que nous avons connus au départ, c’est un sentiment de fierté qui prédomine aujourd’hui. Pour autant, cette mission au Maroc s’est révélée très exigeante physiquement et cela doit nous amener à une vraie réflexion sur les profils sélectionnés en fonction du type d’intervention.
Aujourd’hui, nous accueillons tous types de profils : sapeurs-pompiers professionnels ou volontaires, jeunes ou encore retraités. L’enjeu du recrutement s’avèrera crucial pour la poursuite de nos missions, d’autant qu’elles seront amenées à se multiplier en raison du dérèglement climatique.
FOCUS
Une réserve opérationnelle pour les communes françaises sinistrées
Fondé en 1999, le GSF fêtera l’an prochain ses 25 ans. Il compte aujourd’hui 200 adhérents, dont 95 % de sapeurs-pompiers répartis dans toute la France. Son champ d’intervention s’est déployé dans le monde entier : attentats du 11 septembre 2001 et ouragan Katrina en 2005 aux États-Unis, tsunami de 2004 en Asie du Sud-Est ou encore séisme au Népal en 2015. Présente en Ukraine depuis le début du conflit, l’association est également intervenue cette année lors du séisme en Turquie.
L’association est également active en France. En 2022, elle a constitué une réserve opérationnelle destinée aux communes françaises sinistrées. Groupes électrogènes, tronçonneuses, pelles et autres balais sont regroupés dans des kits inondation, tempête ou encore incendie mis à disposition des communes 24h/24, gratuitement. Basé à Villeneuve-d’Ascq (Nord), le GSCF cherche aujourd’hui de nouveaux locaux pour abriter cette réserve opérationnelle.